Telouet et les seigneurs de l’Atlas

Les premiers habitants de Telouet sont des berbères pasteurs qui logeaient dans des grottes au flanc des montagnes voisines. Au fil du temps, Telouet devient un territoire de brassage ethnique. Très tôt, les juifs s’y sont installés pour devenir en majorité des grossistes de sel et des artisans. Au moyen âge, les arabes arrivent à Telouet avec la vague d’islamisation du Maroc. Cette population a construit des medersa, des écoles coraniques, et des zaouïas destinées spécifiquement à l’enseignement théologique islamique. Des marabouts célèbres s’implantent dans la région comme Sidi Ouarghal, Sidi Ouissaâden et Sidi Daoud. Quand à la population à peau noire dite Haratine, elle est composée entièrement d’esclaves noirs originaires de Mali, de Guinée, du Soudan et d’autre pays d’Afrique. Cette ethnie a été acheminée par les caravanes transsahariennes vers les territoires intérieurs du Maroc, comme à Telouet.

Ce douar était alors un point de passage incontournable pour les anciennes caravanes commerciales qui traversaient alors le col de Telouet, Tizi N’Telouet. Telouet était aussi un point de passage des expéditions militaires comme celle menée par Ahmed El Mansour Eddahbi vers le Soudan en 1590.

A partir du 17ème siècle, l’arrivée des Glaoua dans la région fut un tournant de l’histoire de Telouet. Selon certaines sources, cette famille descend d’un marabout appelé Mohamed Ou Saleh originaire de la région d’Asfi et originaire de la dynastie Omeyyade. A leur arrivée à Telouet, les Glaoua y ont édifié une zaouïa. Ils distribuaient des indulgences et des bénédictions appelées la baraka et héritées de l’un de leur ancêtre. Une fois l’influence religieuse gagnée, leur ambition politique grandit.

Au 18ème siècle, le sultan Moulay Ismail accorde le titre de caïd au Glaoua pour contrôler la route des caravanes et en extraire le droit de passage. En 1893, le sultan Moulay El Hassane, encore appelé Hassan 1er, commandait une expédition militaire, une harka, vers le sud pour soumettre les tribus rebelles ou la dissidence du Bled Es-Siba. De retour, le sultan et son armée ont été surpris par les neiges à Telouat. El Madani El Glaoui organise une diffa, une grande réception en leur honneur. En reconnaissance de cette hospitalité, le sultan accorde à El Madani le droit de perception d’impôts sur les tribus environnantes et de prélèvement de taxes sur les caravanes de passage. Le sultan lui a fait également don d’armes et particulièrement un canon Krupp, exposé actuellement dans la casbah de Taourite. En 1908, El Madani El Glaoui est nommé ministre de la guerre, Ouazir Alharb.

La montée en puissance des Glaoua a ainsi fait de Telouet une résidence des nouveaux caïds et un poste de commandement du Sud. La construction de la casbah de Telouet, château des nouveaux seigneurs, a commencé au 18ème siècle avec un style architectural berbère.

Entre le 19ème et le 20ème siècle, le style oriental et espano-mauresque ont été introduits dans l’extension de la casbah. Elle était une institution de commandement à part entière et un lieu de vie seigneurial par excellence abritant une cour de justice, une prison, une résidence, une cour de festivités, une écurie … Le célèbre Lhaj Thami El Glaoui a lui aussi vécu dans la casbah de Telouet. Il fut un caïd d’une grande puissance économique depuis l’acquisition de nombreux biens terriens, la prise d’actions dans l’Omnium Nord Africain et à la CTM. Homme de goût raffiné, Lhaj Thami jouait au golf à Marrakech, collectionnait des tapis et des pierres précieuses. Il accueillait surtout des personnalités illustres comme le résident général Steeg, le sultan Sidi Mohamed, le 16 novembre 1931, Winston Churchill en 1937, le général Patton en 1942, Jacques Majorelle, Lyautey et tant d’autres.

Aujourd’hui la casbah succombe aux aléas climatiques et à l’oubli. Seules demeurent la résidence principale et ses quelques annexes, encore assez bien conservées, pour accueillir les regards curieux des visiteurs, leur dévoilant ainsi la finesse et la beauté du geste des artisans d’autrefois, le raffinement des anciens maîtres et le mode de vie d’une population qui n’est plus. Chaque coin de la casbah est une page de l’histoire humaine de Telouet d’autrefois et renferme entre ses murailles l’histoire de ces caïds dont l’histoire retiendra qu’ils étaient connus sous le nom des Seigneurs de l’Atlas.

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